EC.VI - RÉGIME SINUSOÏDAL - NOTION D’IMPÉDANCE



1. Oscillations forcées

1.1. Régime sinusoïdal permanent

• Pour les circuits des différents types étudiés précédemment (avec résistances, inductances et capacités), soumis à une f.e.m. e(t)e(t) sinusoïdale, les équations différentielles sont linéaires avec second membre sinusoïdal.

La solution générale est la somme d'une solution particulière de l'équation complète et de la solution générale de l'équation “homogène”.

La solution générale “homogène” correspond à un régime transitoire amorti (pseudo-périodique ou apériodique) et on ne considère ici que la solution particulière avec second membre sinusoïdal, elle même sinusoïdale, qui subsiste seule après amortissement du régime transitoire.

◊ remarque : la limitation aux régimes sinusoïdaux n’est pas une restriction :

la connaissance de la réponse à un échelon permet de calculer la réponse à un signal quelconque par “transformation de Laplace” ;

la connaissance de la réponse aux signaux sinusoïdaux de toutes fréquences (y compris le continu) permet de calculer la réponse à un signal quelconque par “transformation de Fourier”.

1.2. Notations complexes des signaux sinusoïdaux

• Les variations sinusoïdales peuvent être décrites en notations complexes :

si  i1(t)=Imcos(ωt+ϕ)i_1 (t)=I_m \: \cos(ω \,t+ϕ)  est solution pour  e1(t)=Emcos(ωt+ψ)e_1 (t)=E_m \: \cos(ω \,t+ψ) ,

alors  i2(t)=Imsin(ωt+ϕ)i_2 (t)=I_m \: \sin(ω \,t+ϕ)  l'est aussi pour  e2(t)=Emsin(ωt+ψ)e_2 (t)=E_m \: \sin(ω \,t+ψ) ,

donc  i_(t)=Imej(ωt+ϕ)\underline{i}(t)=I_m \: \mathrm{e}^{\mathrm{j}(ω \,t+ϕ)}  est solution pour   e_(t)=Emej(ωt+ψ)\underline{e}(t)=E_m \: \mathrm{e}^{\mathrm{j}(ω \,t+ψ)} .

Réciproquement, si une expression complexe est solution des équations, alors sa partie réelle et sa partie imaginaire sont toutes deux solutions. On utilise usuellement la partie réelle comme solution physique du problème.

☞ remarque : les représentants complexes sont notés avec  j\mathrm{j}  et soulignés.

• La représentation complexe a des avantages :

le terme ejωt\mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt} (fonction du temps) peut être mis en facteur et simplifié, facilitant la prise en compte des déphasages :  ej(ωt+ϕ)=ejωtejϕ\mathrm{e}^{\mathrm{j}(ω \,t+ϕ)}=\mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt} \; \mathrm{e}^{\mathrm{j}ϕ}  ;

les dérivées et primitives caractérisant inductances et capacités deviennent des multiplications :  d(ejωt)dt=jωejωt\displaystyle \frac{d(\mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt})}{dt}=\mathrm{j}ω \;\mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt}  ;  ejωtdt=ejωtjω\displaystyle ∫ \,\mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt}\: dt=\frac{\mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt}}{\mathrm{j}ω} .

1.3. Impédance et admittance complexes

• La particularité du régime sinusoïdal permanent est que les inductances et les capacités ont des caractéristiques linéaires, de la forme :  u_(t)=±Z_i_(t)\underline{u} (t)=± \underline{Z} \;\underline{i} (t) .

Pour une inductance LL :  u_(t)=Ldi_(t)dt=jLωi_(t)\displaystyle \underline{u} (t)=L \: \frac{d\underline{i}(t)}{dt}=\mathrm{j}Lω \: \underline{i}(t)  correspond à :  Z_=jLω\underline{Z}=\mathrm{j} \,L \,ω .

Pour une capacité CC :  u_(t)=1Ci_(t)dt=1jCωi_(t)\displaystyle \underline{u} (t)=\frac{1}{C} \, ∫ \,\underline{i}(t) \: dt=\frac{1}{\mathrm{j}Cω} \; \underline{i}(t)  correspond à :  Z_=1jCω\displaystyle \underline{Z}=\frac{1}{\mathrm{j}\,C\,ω} .

• Ceci peut se généraliser aux dipôles linéaires dont les caractéristiques sont de la forme :  u_(t)=±e_(t)±Z_i_(t)\underline{u} (t)=± \underline{e}(t)± \underline{Z} \; \underline{i} (t)  (éventuellement après “linéarisation”).

L'impédance complexe Z_\underline{Z} généralise la notion de résistance aux régimes sinusoïdaux permanents (en particulier  Z_=R\underline{Z}=R  pour un résistor).

• Ceci s'écrit aussi :  i_(t)=±i_c(t)±Y_u_(t)\underline{i}(t)=± \underline{i}_c (t)±\underline{Y} \; \underline{u}(t) ,  avec  Y_=1Z_\displaystyle \underline{Y}=\frac{1}{\underline{Z}}  et  i_c=±Y_e_\underline{i}_c=± \underline{Y} \; \underline{e}  ;  l'admittance complexe Y_\underline{Y} généralise la notion de conductance aux régimes sinusoïdaux permanents (en particulier  Y_=G\underline{Y}=G  pour un résistor).

• Cette notion d'impédance complexe décrit aussi le déphasage ; elle correspond à une convention de notation un peu différente :

u_(t)\underline{u}(t) et i_(t)\underline{i}(t) représentent   u(t)=𝔢(u_(t))u(t)=ℜ𝔢(\underline{u}(t))   et   i(t)=𝔢(i_(t))i(t)=ℜ𝔢(\underline{i}(t))  ;
Z_=Zejϕ\underline{Z}=Z \;\mathrm{e}^{\mathrm{j}ϕ}   correspond à   Z=|Z_|Z=\left| \,\underline{Z} \,\right|   avec en général  Z𝔢(Z_)Z≠ℜ𝔢(\underline{Z}) .

Ainsi, pour   i(t)=Imcos(ωt)i(t)=I_m \; \cos(ω \,t)   et   u(t)=Umcos(ωt+ϕ)u(t)=U_m \; \cos(ω \,t+ϕ) ,  on peut écrire :  u_=Z_i_\underline{u}=\underline{Z} \; \underline{i}  (avec  i_=Imejωt\underline{i}=I_m \; \mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt}  et  u_=Umej(ωt+ϕ)\underline{u}=U_m \; \mathrm{e}^{\mathrm{j}(ω \,t+ϕ)} )  et  Um=ZImU_m=Z \;I_m .

De même, on peut considérer des “amplitudes complexes” incluant un déphasage ; par exemple :  u_=Umej(ωt+ϕ)=U_mejωt\underline{u}=U_m \; \mathrm{e}^{\mathrm{j}(ω \,t+ϕ)}=\underline{U}_m \; \mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt}  avec  U_m=Umejϕ\underline{U}_m=U_m \; \mathrm{e}^{\mathrm{j}ϕ} .  On obtient ainsi  Um=|U_m|U_m=\left|\, \underline{U}_m \right|  avec en général  Um𝔢(U_m)U_m≠ℜ𝔢(\underline{U}_m ) .

☞ remarque : le type des représentants complexes de Z_\underline{Z} et U_m\underline{U}_m n'est pas ambigu car ces quantités sont des constantes, déjà caractérisées par des notations en majuscule.

• Un dipôle linéaire quelconque a une impédance :  Z_=R+jS\underline{Z}=R+\mathrm{j} \,S  avec une résistance RR et une “réactance” SS .

Une admittance  Y_=1Z_=G+jB\displaystyle \underline{Y}=\frac{1}{\underline{Z}}=G+\mathrm{j} \,B  correspond toutefois à une conductance  G=RR2+S21R\displaystyle G=\frac{R}{R^2+S^2}≠\frac{1}{R}  et une “susceptance”  B=SR2+S2\displaystyle B=-\frac{S}{R^2+S^2} .

Par exemple une cellule de conductimétrie plongée dans une solution se comporte comme une résistance (de la solution) en série avec un condensateur (décrivant l'accumulation d'ions au niveau des électrodes), soit  Z_=Rj1Cω\displaystyle \underline{Z}=R-\mathrm{j} \frac{1}{Cω} .  La capacité interdit de mesurer en régime continu ; elle permet de mesurer  G1R\displaystyle G≈\frac{1}{R}  en régime sinusoïdal si et seulement si  S=1CωR\displaystyle -S=\frac{1}{Cω}≪R  (donc pour une assez grande fréquence).

1.4. Associations d'impédances complexes

• Compte tenu de la forme linéaire des caractéristiques en notations complexes, les lois d’association se généralisent immédiatement :

les impédances en série s'ajoutent (en particulier les inductances) ;
les admittances en parallèle s'ajoutent (en particulier les capacités).


2. Réseaux en régime sinusoïdal permanent

2.1. Lois de Kirchhoff, Pouillet, Millman

• Pourvu qu'on se limite à l'approximation des régimes quasi-stationnaires, les lois de Kirchhoff sont applicables à chaque instant, donc de même toutes les méthodes qui en découlent (courants de mailles, potentiels de nœuds...).

Pour le régime sinusoïdal permanent, on peut de plus utiliser ces lois en notations complexes, y compris avec les valeurs maximum ou efficaces (complexes) en simplifiant par ejωt\mathrm{e}^{\mathrm{j}ωt} .

◊ remarque : en régime sinusoïdal, la “valeur efficace” (étudiée dans une autre partie) est égale à la valeur maximum divisée par 2\sqrt{2} .

◊ remarque : pour simplifier les calculs, il est possible de choisir l'origine des temps pour annuler l'un des déphasages (mais seulement un).

• Compte tenu de la forme “linéaire” des caractéristiques en notations complexes, les lois démontrées en régime continu, comme la loi de Pouillet et la loi de Millman, sont applicables en régime sinusoïdal permanent.

• Pour le pont de Wheatstone ci-après, on peut utiliser la symétrie des deux mailles du haut (par rapport au centre) pour se ramener à seulement deux courants inconnus et deux équations de mailles :

Ri_+Ri_+jCω(i_i_)=0\displaystyle R \;\underline{i}'+R \;\underline{i}+\frac{\mathrm{j}}{Cω} \, ( \,\underline{i}'-\underline{i} \,)=0    ;    e_+jCω(i_i_)Ri_=0\displaystyle \underline{e}+\frac{\mathrm{j}}{Cω} \:(\, \underline{i}'-\underline{i} \,)-R \;\underline{i}'=0 .

impedance_im/impedance_im1.jpg

La première équation donne par exemple :  i_=i_1+jRCω1jRCω\displaystyle \underline{i}'=\underline{i} \:\frac{1+\mathrm{j} \,RC \,ω}{1-\mathrm{j} \,RC \,ω}  et la seconde donne alors :   i_=e_R1jRCω3+jRCω\displaystyle \underline{i}=\frac{\underline{e}}{R}\, \frac{1-\mathrm{j} \,RC \,ω}{3+\mathrm{j} \,RC \,ω}   d'où on déduit  i_\underline{i}' ,  i_i_\underline{i}'-\underline{i} ,  2i_i_2\,\underline{i}'-\underline{i}  puis toutes les tensions dans le circuit (les grandeurs souhaitées sont les parties réelles).

☞ remarque : le passage par un raisonnement en régime sinusoïdal peut aider à résoudre un problème de régime transitoire, avec la correspondance  jωddt\displaystyle \mathrm{j}ω↔\frac{d}{dt}  ;  l'expression précédente de i_\underline{i} donne :  3i+RCdidt=1R(eRCdedt)\displaystyle 3 \,i+RC \,\frac{di}{dt}=\frac{1}{R} \:\left(e-RC \,\frac{de}{dt}\right)  donc pour une f.e.m. en échelon :  3i+RCdidt=ER\displaystyle 3 \,i+RC \,\frac{di}{dt}=\frac{E}{R} .

2.2. Ponts diviseurs de tension ou de courant

• Compte tenu de la forme “linéaire” des caractéristiques en notations complexes, les corollaires démontrés en régime continu, comme les lois des ponts diviseurs de tension ou de courant, sont applicables en régime sinusoïdal permanent.

• Ainsi par exemple, lorsque la tension entre les bornes du voltmètre (ou du micro-ampèremètre) est nulle, la condition générale d'équilibre d’un pont de Wheatstone peut s’écrire :  Z_1Z_2=Z_3Z_4\displaystyle \frac{\underline{Z}_1}{\underline{Z}_2} =\frac{\underline{Z}_3}{\underline{Z}_4} .

Ceci peut s'appliquer à la mesure des caractéristiques d'une bobine à inductance, en considérant le pont de Wheatstone suivant :

impedance_im/impedance_im2.jpg

Ce cas correspond à :  Z_1=r+jLω\underline{Z}_1=r+\mathrm{j} \,L \,ω  ;  Z_2=R2 \underline{Z}_2=R_2  ;  Z_3=R3\underline{Z}_3=R_3  ;  Z_4=R1+jRCω\displaystyle \underline{Z}_4=\frac{R}{1+\mathrm{j} \,RC \,ω}  d'où on déduit (à l'équilibre) :  L=R2R3CL=R_2 \:R_3 \:C   et   r=R2R3R\displaystyle r=\frac{R_2 \:R_3}{R} .

◊ remarque : dans le cas général, l'équilibre du pont dépend de ωω (d'autant plus que RRLL et CC peuvent dépendre de ωω).

◊ remarque : les autres lois, comme les théorèmes d'Helmholtz, de Thévenin et de Norton, se généralisent de façon analogue.

📖 exercices n° I, II, III et IV.