E.M.III - DIPÔLE ÉLECTROSTATIQUE


1. Champ et potentiel dipolaires

• On appelle “dipôle électrostatique” un système de deux charges opposées (+q+q et q-q ) placées en deux points PP et NN tels que la distance  d=NPd=NP  soit très petite. On appelle “moment dipolaire” le vecteur :  p=qd\overset{→}{p}=q \:\overset{→}{d} .

L'unité de base est le “coulomb.mètre”, mais les chimistes utilisent souvent comme unité de moment dipolaire le “debye” :  1D3,33564.1030C.m1 \:\mathrm{D}≈\text{3,33564}.{10}^{-30} \: \mathrm{C.m}  ;  par exemple :  p(H2O)=1,85Dp(\mathrm{H_2 O})=\text{1,85} \:\mathrm{D}  ;  p(NH3)=1,5Dp(\mathrm{NH_3})=\text{1,5} \:\mathrm{D}  ;  p(HCl)=1,08Dp(\mathrm{HCl})=\text{1,08} \:\mathrm{D} ...

◊ remarque : l'orientation est du - vers le ++ , c'est-à-dire dans le sens des lignes de champ à l'extérieur de l'intervalle entre les charges.
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• Le potentiel d'un dipôle centré en OO peut s'écrire :  V=q4πε0(1PM1NM)\displaystyle V=\frac{q}{4π\:ε_0} \, \left(\frac{1}{PM}-\frac{1}{NM}\right)  avec  PM=OMd2\displaystyle \overset{⟶}{PM}=\overset{⟶}{OM}-\frac{\overset{→}{d}}{2}   et   NM=OM+d2\displaystyle \overset{⟶}{NM}=\overset{⟶}{OM}+\frac{\overset{→}{d}}{2} .

Pour  d0d→0  avec p\overset{→}{p} fixé :

1PM=1r(1durr+d24r2)1/2\displaystyle \frac{1}{PM}=\frac{1}{r} \, \left(1-\frac{\overset{→}{d}⋅\overset{→}{u}_r}{r}+\frac{d^2}{4 \,r^2}\right)^{-1/2}
donc : 1PM1r(1+dur2r)\displaystyle \frac{1}{PM}≈\frac{1}{r} \, \left(1+\frac{\overset{→}{d}⋅\overset{→}{u}_r}{2 \,r}\right)
de même : 1NM1r(1dur2r)\displaystyle \frac{1}{NM}≈\frac{1}{r} \, \left(1-\frac{\overset{→}{d}⋅\overset{→}{u}_r}{2 \,r}\right)  ;

par suite :  Vpur4πε0r2=pcos(θ)4πε0r2\displaystyle V≈\frac{\overset{→}{p}⋅\overset{→}{u}_r}{4π \:ε_0 \: r^2}=\frac{p\;\cos(θ)}{4π \:ε_0 \: r^2} .

dipoleElStat_Im/dipoleElStat_Im2.jpg

• Cette approximation décrit le “modèle dipolaire” ; de façon générale les distributions de charges peuvent être décrites par un développement en série d'approximations : monopolaire, dipolaire, quadripolaire, etc.

◊ remarque : par analogie, ce modèle est aussi intéressant pour décrire les effets magnétiques, sans monopôle : le premier terme est dipolaire.

• Ce potentiel peut être décrit à l'aide des courbes équipotentielles suivantes (intersection des surfaces équipotentielles avec le plan du dessin) :

dipoleElStat_Im/dipoleElStat_Im3.jpg

• On en déduit le champ électrostatique : en coordonnées sphériques, d'axe OzOz selon NPNP ,  on peut écrire :  E=Erur+Eθuθ\overset{→}{E}=E_r \:\overset{→}{u}_r+E_θ \:\overset{→}{u}_θ  (Eϕ=0E_ϕ=0  par symétrie).

Compte tenu de l'expression du gradient en coordonnées sphériques, ceci correspond à :  Er=Vr=2pcos(θ)4πε0r3\displaystyle E_r=-\frac{∂V}{∂r}=\frac{2 \,p \;\cos(θ)}{4π \:ε_0 \: r^3}   ;   Eθ=1rVθ=psin(θ)4πε0r3\displaystyle E_θ=-\frac{1}{r} \, \frac{∂V}{∂θ}=\frac{p \;\sin(θ)}{4π \:ε_0 \: r^3}  ;
qu'on peut écrire sous la forme :  E=3(pur)urp4πε0r3\displaystyle \overset{→}{E}=\frac{3 \,(\overset{→}{p}⋅\overset{→}{u}_r ) \: \overset{→}{u}_r-\overset{→}{p}}{4π \:ε_0 \: r^3} .

• L'équation des “lignes de champ” (parallèles au champ en chacun de leurs points) découle de leur définition :  dOMEd\overset{⟶}{OM} \parallel \overset{→}{E} ,  c'est-à-dire :  drEr=rdθEθ\displaystyle \frac{dr}{E_r} =\frac{r \:dθ}{E_θ} .

Ainsi :  dr2cos(θ)=rdθsin(θ)\displaystyle \frac{dr}{2 \,\cos(θ)}=\frac{r \:dθ}{\sin(θ)}   ou encore :  drr=2cos(θ)dθsin(θ)\displaystyle \frac{dr}{r}=\frac{2 \:\cos(θ) \: dθ}{\sin(θ)} .

On en déduit :  ln(r)=2ln(|sin(θ)|)+Cste\ln(r)=2 \: \ln\left(\left|sin(θ) \right|\right)+Cste   puis   r=asin2(θ)r=a\; \sin^2(θ)  (où aa est une constante d'intégration caractérisant chaque ligne de champ).

◊ remarque : les lignes de champ sont en tout point orthogonales aux surfaces équipotentielles, car pour celles-ci :  dV=VdOM=EdOM=0dV=\overset{→}{∇}V⋅d\overset{⟶}{OM}=-\overset{→}{E}⋅d\overset{⟶}{OM}=0 .

• Ces lignes de champ du modèle dipolaire ont l'allure suivante.

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◊ remarque : plus précisément dans l'intervalle entre les deux charges :

dipoleElStat_Im/champDipole.png

📖 exercices n° I, II, III, IV et V.

2. Action d'un champ électrique (extérieur) sur un dipôle

• On considère ici un champ E\overset{→}{E} “extérieur” (créé par d'autre charges que celles du dipôle).

La principale action du champ E\overset{→}{E} sur le dipôle est la tendance à l'orientation :

dipoleElStat_Im/dipoleElStat_Im5.jpg



le dipôle étant “petit”, les forces exercées sur les deux charges sont presque opposées (exactement si E\overset{→}{E} est uniforme) et la force totale est nulle dans l'approximation dipolaire ;


par contre il apparaît un moment de force, qui tend à aligner p\overset{→}{p} selon le champ extérieur :  O=OP×(qE)ON×(qE)=p×E\overset{→}{ℳ}_O=\overset{⟶}{OP}×\left(q\:\overset{→}{E}\right)-\overset{⟶}{ON}×\left(q\:\overset{→}{E}\right)=\overset{→}{p}×\overset{→}{E} .

◊ remarque : le moment (algébrique) par rapport à un axe ΔΔ passant par OO , orienté selon un vecteur unitaire uΔ\overset{→}{u}_Δ ,  est :  Δ=OuΔℳ_Δ=\overset{→}{ℳ}_O⋅\overset{→}{u}_Δ .

• L'énergie potentielle du dipôle dans le champ extérieur peut s'écrire :  p=qV(P)qV(N)qVNP=pEℰ_p=q \:V(P)-q \:V(N)≈q \:\overset{→}{∇}V⋅\overset{⟶}{NP}=-\overset{→}{p}⋅\overset{→}{E}  ;  on vérifie ainsi que l'action du moment des forces tend à minimiser pℰ_p (minimum  p=pEℰ_p=-p \:E ).

• L'action secondaire d'un champ extérieur non uniforme sur un dipôle est une force qui tend à entraîner le dipôle vers les champs forts s'il est orienté dans le même sens (et inversement) ; ceci revient à minimiser pℰ_p (après orientation  p<0ℰ_p<0  diminue quant EE augmente). Au niveau microscopique, cela permet la cohésion de nombreux matériaux solides et liquides.

• En chimie, en plus d'éventuels moments dipolaires “permanents” (polarisation ; exemple HCl\mathrm{HCl} avec - du côté de Cl\mathrm{Cl} ), les molécules peuvent avoir des moments dipolaires “induits” par l'effet d'un champ extérieur (polarisabilité ; exemple I2\mathrm{I_2} ) : elles sont globalement neutres mais les charges ++ et - qu'elles contiennent se décalent légèrement.

Les moments dipolaires induits sont en première approximation proportionnels au champ électrique extérieur qui les crée :  p=αε0E\overset{→}{p}=α \:ε_0 \:\overset{→}{E}  où le coefficient αα est appelé “polarisabilité” (unité de base : m3\mathrm{m^3} ).

Pour un effet induit seul (le cas général est plus complexe), l'énergie potentielle est différente mais analogue :  p=12pE=12αε0E2ℰ_p=-\frac{1}{2} \:\overset{→}{p}⋅\overset{→}{E}=-\frac{1}{2} α \:ε_0 \: E^2  ;  la minimisation de pℰ_p correspond à augmenter EE (ce qui augmente aussi pp ) : attraction vers les champs forts.