Expérience de Desaguliers
1. Durée de passage dans la zone de champ variable
Après avoir réglé de débit du robinet pour que le diamètre du filet
d’eau dans la zone utile soit
, on peut mesurer la quantité d’eau écoulée en
: le débit est
donc la vitesse est
.
En supposant que la longueur d’entrée dans la zone utile
est
, la durée d’action est .
2. Durée de polarisation par orientation des molécules d’eau
Pour orienter une molécule d’eau, il suffit de déplacer les deux
protons : les électrons sont négligeables est les protons tournent
autour du centre d’inertie, quasi confondu avec le centre de l’atome
d’oxygène. Le moment d’inertie correspondant est donc
.
Le moment algébrique des forces électrostatiques est
avec
(moment dipolaire) et un champ électrique
(par frottement on accumule aisément
charges élémentaires, donc
, qu'on peut approcher à moins de
).
L’équation décrivant la rotation est donc de la forme
, avec
, ce qui correspond à une durée de retournement
(ou un peu moins si le champ est plus
grand).
Puisque ,
l’eau a donc très largement le temps de se polariser par
orientation, puis elle est attirée dans la région de champ plus
fort.
3. Durée de polarisation par déplacement d’ions
On suppose assez probable que la durée nécessaire pour mettre les
charges en mouvement soit nettement inférieure à la durée nécessaire
pour accumuler en surface une quantité de charge suffisante.
Pour polariser par déplacement d’ions, il faut accumuler des charges
surfaciques telles
que
(modèle du plan uniformément chargé).
Le courant est :
avec
(conductivité) pour l’eau pure. La durée pour accumuler les
charges est :
.
D'un autre point de vue, en pratique
pour l’eau du robinet (elle contient des composés minéraux et
du
dissous). La durée pour accumuler les charges est nettement
plus faible, mais reste supérieure à la durée d’orientation
:
.
Puisque
, on peut considérer que la polarisation se fait initialement
surtout par orientation.
4. Déplacement d’ions dans l’eau déjà polarisée par orientation
Lorsque le champ extérieur est très grand, le champ intérieur ne
peut pas être rendu nul par les effets de polarisation par
orientation : même si toutes les molécules s’orientent de façon
optimale, cela ne donne pas des charges surfaciques suffisantes. On
suppose que ce n’est pas le cas ici.
Mais en outre, même pour un champ extérieur plus modéré, la
polarisation par orientation n’est jamais complète à cause de
l’agitation thermique.
Dans les situations d’équilibre, le champ intérieur est divisé
par ,
mais en est-il exactement de même en régime variable ?
L’énergie potentielle est et sa
valeur moyenne est :
avec
(où
est la
constante de Boltzmann, décrivant l'effet de l'agitation thermique).
La polarisation est ainsi (pour les champs modérés) :
en notant la
concentration des dipôles. On en déduit la susceptibilité électrique
:
.
On en déduit ensuite que, dans un premier temps, l’orientation
rapide des dipôles conduit à une atténuation du champ intérieur d’un
facteur (pour une
permittivité relative ).
Dans ces conditions, il s’ensuit que pour polariser par déplacement
d’ions (en remplaçant ainsi progressivement l’effet d’orientation),
il faut accumuler des charges surfaciques
telles
que
, mais
avec un courant
où .
La durée pour accumuler les charges dans l’eau pure est alors
: c’est à
dire tout de même nettement inférieure à la durée de passage dans la
zone active... donc le changement de nature de la polarisation
est complet. A fortiori, dans l’eau du robinet, le changement prend
moins de temps :
.
5. Conclusion
Bien que la polarisation se fasse d’abord par orientation,
l’attraction du filet d’eau par la zone de champ fort est finalement
principalement due à une polarisation par déplacement d’ions : cette
expérience ne peut donc pas démontrer l’orientation des
dipôles
sous l’effet du champ électrique.
Par contre, pour l’eau contenue dans les aliments à l’intérieur d’un
four micro-ondes, la fréquence caractéristique
correspond à une durée
permettant la polarisation par orientation, mais
très insuffisante pour déplacer des ions : le chauffage par
agitation des molécules est basé sur l’effet d’orientation des
moments dipolaires des molécules (puis la dissipation de l'énergie
lors des interactions microscopiques associées à l'agitation
thermique).