A.M. III - INCERTITUDES DE MESURE


1. Types d’incertitudes

• L’incertitude sur une mesure x peut être exprimée par :
        l’incertitude absolue  ΔxΔx  (dont l’unité est compatible avec xx) ;
        l’incertitude relative  Δx|x|\frac{Δx}{|x|}   (proportion, sans unité).

• L’incertitude de mesure peut être :
        systématique : pour une série de mesures avec un même appareil déréglé, toutes les mesures sont décalées de façon analogue ;
        aléatoire : pour une série de mesures d’une même quantité avec des appareils différents, déréglés de façon aléatoire, alors la série des résultats a des “fluctuations” aléatoires autour d’une valeur moyenne non décalée.

• Les incertitudes systématiques (parfois nommées “erreurs”) ne peuvent être réduites qu’en comprenant leur origine et en les corrigeant (par modification des appareils ou par calcul).

Les incertitudes aléatoires peuvent être réduites par des méthodes statistiques : en calculant la moyenne sur un grand nombre de mesures.


2. Répartition statistique

• Pour une série de  N=500N=500  mesures d’une même longueur  x0=125mmx_0=125 \:\mathrm{mm}  à l’aide de NN règles graduées de précision médiocre (4%4 \:%), on trace l’histogramme du nombre  n(x)n\left(x\right)  de fois où la mesure a donné le résultat  xx.

• Pour une grandeur x0x_0 dont la mesure n’a que des incertitudes aléatoires, la probabilité de trouver une valeur xx en mesurant x0x_0 suit souvent la loi de Gauss :  p(x)=p0exp(-(x-x0)22σ2)p(x)=p_0 \:\exp⁡\left(-\frac{\left(x-x_0\right)^2}{2 \:σ^2}\right)  où la constante  p0=1σ2πp_0=\frac{1}{σ \:\sqrt{2π}}  est telle que  p(x)dx=1∫p\left(x\right) \:dx=1 ,  ce qui correspond à :  n(x)=N∑n\left(x\right) =N .

On obtient une répartition “en cloche”, centrée en une valeur proche de x0x_0 .

incertMes_Im/gauss.png

La “demi-largeur à mi-hauteur” est de l'ordre de “l’écart-type” σσ et correspondant à l’ordre de grandeur de la précision des mesures.

◊ remarque : une incertitude  Δnn+1Δn≈\sqrt{n+1}  est superposée à chaque point de l’histogramme pour visualiser l’effet des fluctuations statistiques ; on voit ainsi que la “courbe de Gauss” est comparable à l’histogramme.

• Pour NN assez grand  (N=500N=500  est très grand pour l’étude d’une longueur), la valeur moyenne :  x=1Nmesxi=1Nhist(n(x).x)=124,7±0,3mm\left〈x\right〉=\frac{1}{N} \:∑_{mes} x_i = \frac{1}{N} ∑_{hist}\left(n\left(x\right).x\right) =124,7±0,3 \:\mathrm{mm}   est une bonne approximation de x0x_0  (l’écart constaté est compatible avec l’incertitude).

• Les calculatrices permettent généralement le calcul de l'écart type (ou de la “variance” :   NN-1(x-x)2σ2\frac{N}{N-1} \left〈\left(x-\left〈x\right〉\right)^2 \right〉≈σ^2 ; on obtient ainsi :  σ=4,6mmσ=4,6 \:\mathrm{mm} .

L’incertitude statistique sur la moyenne est alors estimée par :  ΔxσNΔ\left〈x\right〉≈\frac{σ}{\sqrt{N}} .

☞ remarque : l’incertitude ne tend pas vers zéro pour un nombre infini de mesures, car il subsiste généralement des incertitudes systématiques.

• L’incertitude statistique n'est pas une limite infranchissable mais simplement “assez probable” ; ainsi pour une loi de répartition gaussienne :
        probabilité 68%≈68 \:%  d’obtenir un écart  |x-x0|<σ\left|x-x_0\right|<σ  ;
        probabilité 95%≈95 \:%  d’avoir   |x-x0|<2σ\left|x-x_0\right|<2 \:σ  ;
        probabilité 99,9%≈99,9 \:%  de trouver   |x-x0|<3σ\left|x-x_0\right|<3 \:σ ...

◊ remarque : ceci suppose que l'écart type est connu par étude statistique d'au moins vingt mesures ; s'il est seulement estimé d'après de petits échantillons, la répartition suit plutôt la loi de Student.

◊ remarque : si pour des raisons de marges de sécurité, on utilise une incertitude à  2σ2 \:σ,  il faut bien l'indiquer pour “propager” correctement son effet sur les calculs utilisant la mesure concernée.


3. Estimations des incertitudes par les fabricants d'appareils de mesure

• Les notices des instruments de mesure doivent normalement indiquer une estimation des incertitudes de mesures (d'après des statistiques effectuées par le fabricant).

Elles sont généralement présentées sous la forme d'un pourcentage plus une constante. Par exemple :  “0,5%+2digits0,5 \:%+2 \:\mathrm{digits}”  signifie qu'une mesure de tension  U=0,1530VU=0,1530 \:\mathrm{V}  correspond à  ΔU=0,51000,1530V+0,0002V=0,0010VΔU=\frac{0,5}{100}\: 0,1530 \:\mathrm{V}+0,0002 \:\mathrm{V}=0,0010 \:\mathrm{V} .


4. “Propagation” des incertitudes

• Dans le cas d’une grandeur définie par  f=f(x,y)f=f\left(x, y\right),  l’incertitude ΔfΔf peut être estimée par :  f=|fx|x+|fy|y∆f=\left|\frac{∂f}{∂x}\right|\:∆x+\left|\frac{∂f}{∂y}\right|\:∆y  ;  toutefois, cette façon de calculer est parfois trop pessimiste (incertitude surestimée).

• Si les incertitudes sont essentiellement aléatoires, elles sont estimées par :  f=(fxx)2+(fyy)2+2fxfycov(x,y)∆f=\sqrt{\left(\frac{∂f}{∂x} ∆x\right)^2+\left(\frac{∂f}{∂y} ∆y\right)^2+2 \frac{∂f}{∂x} \frac{∂f}{∂y} \:\mathrm{cov}\left(x, y\right)}  afin de prendre en compte les corrélations éventuelles entre xx et yy.

Un estimateur de la covariance est  NN-1(x-x)(y-y)\frac{N}{N-1} \left〈\left(x-\left〈x\right〉\right)\left(y-\left〈y\right〉\right)\right〉  ;  le coefficient de corrélation est tel que  cov(x,y)=cor(x,y)xy\mathrm{cov}\left(x, y\right)=\mathrm{cor}\left(x, y\right) \:∆x \:∆y .

Quand on ignore s'il y a des corrélations, on peut faire comme s'il n'y en avait pas, mais cela conduit dans quelques cas à des résultats déraisonnables.

• Ainsi par exemple pour un produit  f=xyf=x \:y  de deux variables indépendantes,  on combine les incertitudes relatives :  f|f|=(x|x|)2+(y|y|)2\frac{∆f}{\left|f\right|} =\sqrt{\left(\frac{∆x}{\left|x\right|}\right)^2+\left(\frac{∆y}{\left|y\right|} \right)^2}.

Par contre pour  y=xy=x  ;  cor(x,y)=100%=1\mathrm{cor}\left(x, y\right)=100 \:%=1  ;  la relation simplifiée donne :  f|f|=2x|x|\frac{∆f}{\left|f\right|} =\sqrt{2} \:\frac{∆x}{\left|x\right|}   alors que le résultat corrélé est  f|f|=2x|x|\frac{∆f}{\left|f\right|} =2 \:\frac{∆x}{\left|x\right|}   (ce qui correspond d'ailleurs dans ce cas à l'approximation pessimiste).

  incertMes_Im/manuel.png exercices n° I, II et III.


5. Estimations empiriques des incertitudes

• Lors de l'exploitation des données expérimentales, on est souvent amené à ajuster un modèle théorique pour représenter un ensemble de mesures. Il est alors généralement plus simple, quand c'est possible, de se ramener à des notations telles que le modèle soit affine.

Bien que des méthodes statistiques rigoureuses existent pour estimer les incertitudes sur les coefficients du modèle à partir de l'ensemble des données, une estimation empirique rapide est très souvent suffisante à ce niveau.

• Ainsi, pour une série de mesures représentées par une droite, on commence par vérifier que cette représentation est acceptable (compte tenu des incertitudes sur les points) :

incertMes_Im/propagation1.jpg

L'incertitude sur la pente  (-R=-15,49Ω-R=-15,49 \:\mathrm{Ω})  peut être estimée d'après les incertitudes sur les points, divisées par le facteur statistique lié au nombre de points :  R1N-1(U(Imin)+RI(Imin))+(U(Imax)+RI(Imax))Imax-Imin0,31Ω∆R≈\frac{1}{\sqrt{N-1}} \frac{\left(∆U\left(I_{min}\right)+R \:∆I\left(I_{min}\right)\right)+\left(∆U\left(I_{max}\right)+R \:∆I\left(I_{max}\right)\right)}{I_{max}-I_{min}}≈0,31 \:\mathrm{Ω} .

◊ remarque : un logiciel spécialisé calcule plus précisément  R0,40Ω∆R≈0,40 \:\mathrm{Ω} .

◊ remarque : si on ajuste le modèle  U(I)=E-RIU\left(I\right)=E-R \:I ,  on constate ici la corrélation positive entre les paramètres EE et RR : pour que la droite passe “au mieux” par l'ensemble des points, une surestimation de RR est associée à une surestimation de EE (et inversement).

◊ remarque : si ce type de démarche est appliquée de façon raisonnée, on peut vérifier que l'ajustement du modèle  I(U)=E-URI\left(U\right)=\frac{E-U}{R}  donne le même résultat pour les paramètres EE et RR.

• Il existe des circonstances où les fluctuations de part et d'autre du modèle ne sont que très médiocrement compatibles avec l'estimation des incertitudes.

Si, après vérification de l'absence de biais évident, on juge que le modèle est tout de même acceptable mais que les incertitudes ont été sous-estimées, on peut proposer de les multiplier par un “facteur d'échelle” tel que la compatibilité soit plausible.

incertMes_Im/propagation2.jpg

Pour cet exemple, un facteur d'échelle de l'ordre de 1,51,5 semble raisonnable ; on obtient ainsi  R15,79±0,48ΩR≈15,79±0,48 \:\mathrm{Ω}.