RG XV - ASTRES EN ROTATION
Étude du cas statique extérieur
• Un astre en rotation n'est pas “statique” au sens strict, mais en
supposant une symétrie axiale, on est ramené à une étude de type
statique (indépendance par rapport au temps).
◊ remarque : une telle situation est souvent qualifiée de
“stationnaire”, mais ce n'est pas au sens d'une variation périodique
; l'astre à symétrie cylindrique tourne mais semble toujours
“pareil” ; il s'agit donc d'une “stationnarité” forte, très proche
d'une situation statique.
• Pour un astre tournant selon un axe associé à l'angle , on
peut utiliser des coordonnées cylindriques, mais la comparaison avec
le cas sans rotation conduit à préférer les coordonnées sphériques
d'axe polaire correspondant.
Dans le vide, on peut chercher la métrique statique sous la forme
suivante :
.
◊ remarque : au sens strict, la situation est statique quand les
hypersurfaces
sont orthogonales au vecteur de Killing
; ici ce n'est pas le cas à cause des termes mixtes .
• On obtient alors (en notant ici les dérivées par ° ) :
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
; ;
; ;
; ;
;
; ; ;
;
;
;
;
; ;
;
; ;
.
• Dans le vide entourant un astre en rotation, les équations du
champ (correspondant à
) donnent en simplifiant des équations peu simples :
()
;
et les autres (
;
;
; et
)
sont encore moins simples.
• La résolution est impossible ainsi : d'éventuelles combinaisons
permettant de simplifier sont trop peu décelables. Cela a été étudié
par R. Kerr avec des méthodes abstraites sur les géodésiques. Il a
obtenu une solution particulière qui, avec les coordonnées de R.
Boyer et R. Lindquist, correspond à :
avec
et
,
où
décrit le moment cinétique de l'astre (
) ;
;
avec
;
;
.
Pour la
métrique de Kerr est asymptotiquement “plate” (comme celle de
Schwarzschild).
Pour on
retrouve et la
métrique de Kerr se simplifie en celle de Schwarzschild (avec les
coordonnées classiques).
• Cette solution, dépendant uniquement d'une masse totale et d'un
moment cinétique total, est généralement considérée comme décrivant
un “trou noir” en rotation (astre censé être effondré au delà d'un
“horizon”, de même que pour la solution de Schwarzschild).
Même si cela peut y ressembler à distance “suffisante”, ce n'est pas
la solution générale pour l'extérieur d'un astre en rotation, dont
la métrique dépend de façon plus complexe de la répartition de masse
et d'énergie-impulsion.
Synchronisation des horloges
• La métrique de Kerr n'étant pas diagonale, elle exprime les durées
mais il est impossible de synchroniser les horloges dans l'ensemble
de l'espace : le décalage peut s'écrire : .
L'intégrale dépendant du chemin suivi, la synchronisation est
seulement possible le long d'une ligne, ou dans un voisinage
infinitésimal d'un point donné.
Pour décrire les durées associées au mouvement d'une particule, on
peut tout au plus préférer écrire la métrique sous la forme :
.
La durée locale correspond alors à :
et la distance parcourue est :
; la métrique spatiale
est l'inverse de .
Horizon
• Dans le cas sphérique de Schwarzschild, la limite
correspond à une singularité de la coordonnée radiale “classique”,
mais aussi à un comportement singulier de la coordonnée temporelle.
Ce dernier rend ce qui se produit au delà inobservable par tout
observateur extérieur ; effet nommé “horizon” (ou “horizon des
événements”). Mais cette hypothèse supposant l'existence de
valeurs
pour décrire l'intérieur conduit à des anomalies théoriques.
• La situation est ici un peu analogue mais différente : la
singularité radiale intervient pour , ce
qui ne correspond pas à .
On peut dans ce cas nommer “horizon” la limite
pour laquelle
; ceci correspond à deux solutions : .
On considère généralement surtout l'horizon “extérieur” (expression
à préciser dans ce qui suit) : .
◊ remarque : d'après la métrique, la géométrie des surfaces
avec
(donc en particulier l'horizon) n'est pas sphérique, mais ressemble
plutôt à celle d'un ellipsoïde de révolution (de
demi-petit-axe et de
demi-grands-axes
) ; cette propriété n'intervient pas ici.
• Le déplacement radial correspond par ailleurs à : . De façon
analogue au cas de Schwarzschild, la variable peut tout
aussi bien présenter un minimum pour
puisque
. Les valeurs
dans le vide ont donc la même ambiguïté que suggèrent les
coordonnées “isotropes” dans le cas sans rotation.
📖 exercices n° I, II et III.
Ergosphère
• Pour
(si cela est possible), on obtiendrait
; donc la variable deviendrait
du genre temps (comme pour l'horizon de Schwarzschild).
• Pour on
obtient , donc la
variable est “déjà”
devenue une variable de genre espace (est-ce bien cohérent ?).
L'ergosphère correspond à la limite où
. On obtient deux solutions : .
Compte tenu de ce qui précède, on considère uniquement l'ergosphère
“extérieure” :
.
◊ remarque : l'appellation “ergo-sphère” est ici
ambiguë puisque cette surface ressemble plutôt à un ellipsoïde de
révolution (sans en être un), tangent aux pôles à l'horizon.
◊ remarque : dans le cas limite sans rotation, l'ergosphère est
confondue avec l'horizon de Schwarzschild.
• La zone comprise entre l'horizon et l'ergosphère est nommée
ergorégion. Sa principale caractéristique est qu'il ne peut y
exister de point matériel statique “par rapport à l'infini” (selon
les coordonnées de Boyer-Lindquist).
En effet, sa 4-vitesse serait de la forme ;
or dans cette zone la variable est du
genre espace, alors que pour un point matériel statique il faudrait
une 4-vitesse du genre temps.
Puisqu'un référentiel doit pouvoir être associé à un repérage par
rapport à des points matériels, cela suggère que l'espace est
“entrainé” par le mouvement de rotation du “trou noir”.
• Ceci peut être précisé en considérant un photon émis (depuis une
position quelconque) avec une vitesse tangentielle selon . Ce photon
suit une géodésique du genre lumière : .
Pour un observateur lointain, avec le temps , la vitesse
du photon se déduit de , où le
signe indique le sens d'émission.
Ainsi (avec
), non seulement le mouvement semble plus rapide dans le sens
de rotation du trou noir, mais de plus s'il est sur l'ergosphère
(où
) le photon rétrograde semble immobile, ce qui est impossible.
Ceci signifie qu'à ce niveau l'espace est entrainé par la rotation.
• Une autre approche consiste à décrire le mouvement d'une particule
à l'aide d'un lagrangien (ici choisi quadratique et simplifié)
:
, où les dérivées sont prises par rapport à un paramètre .
Cela donne les équations du mouvement :
. En particulier pour on
obtient : ,
donc
.
Cette quantité constante est l'impulsion généralisée associée à
l'angle ; elle
correspond à la généralisation du moment cinétique.
Une particule de moment cinétique nul (qui donc “ne tourne pas” par
rapport à l'espace), est donc telle que :
. On peut donc considérer que l'espace tourne localement à la
vitesse angulaire : .
◊ remarque : dans ce cas, le paramètre se simplifie
et n'intervient pas.
◊ remarque : en relativité restreinte, il n'y a pas d'hypothétique
“éther” par rapport auquel la lumière se propagerait ; en relativité
générale, les propriétés de l'espace se déduisent de la répartition
de matière et d'énergie (en accord avec le principe de Mach), donc
il n'y a pas contradiction à considérer que cet espace “tourne” sous
l'effet de la rotation de l'astre central ; la
dépendance
fait que la métrique n'est pas statique, mais stationnaire.
◊ remarque : les mouvements des photons sont simplement limités par
la vitesse de la lumière de part et d'autre du mouvement de
l'espace.
📖 exercices n° IV, V, VI, VII et VIII.
Autre formulation de la métrique
• Pour tenir compte de la rotation de l'espace, on peut juger
préférable de repérer par l'intermédiaire d'un angle
; on ne peut par contre pas définir d'angle car la
rotation dépend
de .
On peut écrire :
en posant : .
Compte tenu de , on
peut noter la métrique sous la forme simplifiée : avec
:
.
• Ainsi, en se repérant par rapport à l'espace en rotation, le
coefficient de la
métrique s'annule (comme
) au niveau de l'horizon (pour ).
L'ergorégion a donc pour seule propriété l'inévitable mouvement par
rapport à l'infini.
• On constate par ailleurs qu'avec ce repérage il n'y a plus de
désynchronisation des horloges : celle-ci est due au “mouvement” par
rapport à l'espace du repérage “immobile” par rapport à l'infini.
📖 exercices n° IX et X.
Choix de la variable radiale
Position du problème
• La variable radiale r de R. Boyer et R. Lindquist a été choisie
“au plus simple” pour adapter la métrique de R. Kerr, assez
compliquée car obtenue par des considérations mathématiques très
abstraites.
Cette coordonnée présente toutefois des caractéristiques semblables
à celles qui sont reprochées à la coordonnée “isotrope”
pour la métrique de Schwarzschild : une “duplication” de certains
objets associés.
La cause en est que
passe par un minimum
pour
. Ainsi dès lors qu'un trou noir a un disque d'accrétion
pour
il en a un autre pour
correspondant à la même valeur de ; en fait la
gravitation y est répulsive et cela conduit à des difficultés
d'interprétation physique.
• La situation est en fait analogue pour la variable de
Boyer-Lindquist : il y a ainsi un “horizon interne” et une
“ergosphère interne”. En outre J. Fric signale également un effet de
gravitation répulsive “de l'autre côté”. Pour tout physicien
dénigrant la variable
“isotrope”, cela doit alerter sur la pertinence du choix utilisé
ici.
Le cas n'est toutefois pas identique : le “dédoublement” correspond
à
et n'est pas au niveau de l'horizon (qui est lui même dupliqué).
Amélioration éventuelle
• Dans la mesure où les conséquences de la rotation sur la métrique
sont plutôt associées à une généralisation des forces d'inertie
classiques (“centrifuge” et “complémentaire”), il semble souhaitable
de se référer (au moins initialement) aux conditions aux pôles où
ces effets sont en principe absents.
◊ remarque : toutes les difficultés constatées pour la métrique
“classique” de Schwarzschild subsistent par contre de même avec
rotation, puisqu'elles s'appliquent aux mouvements selon l'axe
polaire.
◊ remarque : la variable de
Boyer-Lindquist semble un peu illogique en ce sens qu'elle prend
comme référence l'équateur pour ; il
pourrait sembler plus logique d'utiliser une référence polaire
:
et ;
ceci amène un problème pour
mais de toute façon une limitation sur apparaît
inévitablement à d'autres endroits.
• Avec les coordonnées “classiques” de Schwarzschild, l'horizon des
événements est associé à l'annulation de
. Pour les notations de Boyer-Lindquist cela correspond aux
pôles à : .
Une idée peut être alors de considérer la variable
pour retrouver la même expression :
.
Sur l'axe polaire, on obtient alors en outre :
;
; .
Mais cela ne signifie pas que l'axe polaire est totalement
“insensible” à la rotation.
Dans la métrique, cela correspond en effet à :
.
Outre l'horizon “classique”, il apparait ainsi un autre horizon
associé à la rotation. La condition
correspond à une unique valeur
(qui est le minimum de donc associé à une
seule valeur de ).
• Avec cette variable, tant que
l'horizon “de rotation” est masqué par l'horizon “classique”, mais
la description n'en est pas pour autant totalement simplifiée : les
valeurs
sont associées à des notations complexes.
◊ remarque : les notations complexes sont déjà nécessaires dans
certaines descriptions sans rotation, avec les variables
“classiques” de Schwarzschild ou des repérages généralisés de
Lemaître, donc elles ne sont pas rédhibitoires, mais tout de même
souvent moins pratiques.
• On constate que, bien qu'invariant, l'axe polaire est un peu
influencé par la rotation de l'astre du point de vue de la géométrie
spatiale décrite par
(pointillés en bleu et en vert).
• Pour
(pointillés en rouge) c'est au contraire l'horizon “classique” qui
est masqué par l'horizon “de rotation” (il existe “en principe” tout
de même dans ce cas, mais des notations complexes seraient
nécessaires dans la région de l'espace correspondante, dans la
mesure où
passe par un minimum et ne peut pas l'atteindre).
• Plus facile à interpréter physiquement, cette description n'est
par contre pas généralisable hors de l'axe.
📖 exercice n° XI.
Amélioration impossible
• On peut aussi considérer le cas équatorial, référence des
coordonnées de Boyer-Lindquist.
Ceci correspond à
et
; on constate que la variable est
tout-à-fait adaptée dans ce cas : on retrouve l'effet gravitationnel
en
modifié par un effet “centrifuge” en
.
La rotation a pour effet de décaler l'horizon en et
même de le faire disparaitre si
(le trinôme est alors toujours positif).
◊ remarque : selon l'axe polaire
correspond de même à
mais l'intérêt de
est de bien montrer que l'effet gravitationnel y est pratiquement le
même que pour la métrique de Schwarzschild.
• L'impossibilité d'amélioration vient du fait que pour les cas
intermédiaires on ne peut pas adapter
avec un
qui ajouterait dans la métrique un terme en
. L'énorme avantage mathématique de la variable est de
parvenir à découpler les coordonnées radiale et angulaires, ce qui a
permis de trouver la solution de Kerr.