Probabilité d'interaction ; symétrie du sens du temps


• On peut envisager que l'onde ne décrive pas complètement le processus physique mais seulement une espèce de convolution entre l'offre de la source et l'appel d'offres “rétroactif” des récepteurs, qui seraient filtrés d'une façon globale par les symétries de l'appareillage contenues dans l'hamiltonien d'interaction.

Ainsi la propriété fondamentale d'une particule vis-à-vis de la mécanique quantique est peut-être sa probabilité d'interaction et non sa probabilité de présence (l'ambiguïté est due au fait que pour détecter la présence d'une particule il faut interagir avec). Mais comme nous ne connaissons rien du monde en dehors des interactions que nous avons avec lui, la description quantique nous suffit pour prédire (statistiquement) les résultats de toutes les mesures.

Ceci peut causer des difficultés (voire impossibilités) de vérification expérimentale. L'existence des états asymptotiques de particules libres peut ainsi être remise en question : si l'Univers ne comportait de la matière que “d'un côté” d'une source de particules données, qui peut dire si cette source émettrait symétriquement ? Les éventuelles particules quittant la source du côté “vide” et ne réinteragissant jamais existent-elles ?

Une source isolée dans un espace “vide” peut-elle émettre un photon (s'il “sait” déjà où il va dès le moment où il part, où irait-il ?) ? Or, si la source n'émet pas, ne peut-on pas considérer que son “temps” ne s'écoule pas ? Tout ceci peut conduire à des situations expérimentales présentant des phénomènes nouveaux (de façon analogue à l'effet Casimir [1]).

Il faudrait pour cela être capable de produire (par exemple) un atome isolé dans un état excité tel qu'il ne puisse se désexciter qu'en émettant des photons d'une fréquence bien précise (à une température forcément très proche de 0 K), placé dans une cavité “totalement” antirésonnante pour la fréquence en question, puis tester sa capacité à se désexciter dans ces conditions.

En pratique, ce type de situation n'apparaît pas clairement car il est certain que les particules mises en jeu dans les expériences sont finalement vouées à réinteragir ; mais rien n'empêche d'affirmer que si on met un détecteur dans une configuration donnée, on force (par l'intermédiaire de l'onde et de l'instantanéité qui lui est associée) les particules qui arrivent jusqu'à celui-ci à se trouver dans certains états qu'il accepte de détecter. En l'absence de détecteur, les particules passant par là n'auraient pas forcément été dans l'un de ces états, mais elles auraient tout de même été dans des états analogues puisque voyageant forcément en direction d'une autre interaction.

Plus même, dans le cas d'une expérience de franges d'Young avec des nappes d'interférence en forme d'hyperboloïdes, rien n'empêche en principe les particules de traverser les zones sombres sans interagir (leur probabilité d'interaction s'y annulant avec l'onde) pour aller interagir dans une zone claire située derrière. L'information que nous pouvons avoir sur des trajectoires de particules devient alors très vague puisque nous n'avons accès qu'à la probabilité d'interaction (d'autant plus que certains physiciens envisagent même l'interaction dans d'autres dimensions de l'espace-temps).

• D'un autre point de vue, à côté de la symétrie émetteur-récepteur apparaît une dissymétrie macroscopique entre passé et futur : si on place deux sources de lumière identiques devant un récepteur, celui-ci détecte deux fois plus de photons, alors que si on place deux récepteurs devant une source, la source n'émet pas deux fois plus.

Mais ceci peut s'expliquer, tout en conservant l'influence microscopique du récepteur sur la source, par le fait que nous vivons dans un monde où l'énergie est rare, bornée inférieurement et non supérieurement. L'appel d'offres des récepteurs est très grand (tout système qui peut interagir joue un rôle de récepteur) et ils détectent tout ce qu'on leur offre, donc deux fois plus si on double la source (comportement linéaire). Par contre l'offre des sources est très petite (peu d'énergie disponible) et celles-ci ont un comportement saturé, apparemment indépendant du nombre très grand de récepteurs (rien n'apparaît changé si on modifie quelques récepteurs sur un très grand nombre). Cette dissymétrie est ainsi tout à fait compatible avec la symétrie microphysique entre émetteur et récepteur.

Inversement (en accord avec la symétrie temporelle des interactions), ne doit-on pas envisager des effets comme une absorption induite (effet “Laser inverse” pour lequel on pourrait envisager la cohérence de phase, mais peu probablement l'amplification, compte tenu de la remarque précédente) ? On peut pour cela envisager de réinterpréter en sens inverse (dans la démarche de l'instantanéité relativiste) les schémas “usuels”, tout en prenant garde à bien respecter le sens des interactions. Ainsi, on considère usuellement que l'absorption spontanée et l'absorption induite sont “naturellement” proportionnelles au flux de photons incidents, puis on remarque que l'émission spontanée est indépendante du flux incident, alors qu'il serait plus logique de considérer qu'elle est proportionnelle au flux émis (de même que l'absorption spontanée est indépendante du flux émis...), puis réfléchir à un éventuel effet d'absorption induite, proportionnelle au flux émis (dans d'éventuelles conditions où il n'y aurait pas “saturation” des émetteurs par limitation de l'énergie disponible) [2].

Si de tels effets n'apparaissent pas dans les situations usuelles, ils pourraient intervenir dans les situations extrêmes, par exemple dans les collisions d'ions à très haute énergie [3]. Mais d'autre part, il semblerait assez logique que ce type d'effet puisse intervenir dans l'interprétation de la coalescence de photons. Dans le cas de deux photons provenant de deux sources indépendantes de photons uniques et se rejoignant lors de la traversée d'une  lame semi-réfléchissante : en augmentant l'indiscernabilité des photons, on diminue la probabilité relative qu'il puissent être acceptés par des détecteurs non corrélés et on favorise l'absorbtion induite [4].

• En outre, à travers le contact permanent imposé par l'instantanéité généralisée entre les sources et les récepteurs, on peut retrouver des aspects statistiques attribuables à une thermodynamique cachée des particules. Par exemple, si une source lumineuse est confrontée à l'appel d'offres de nombreux récepteurs, l'état de certains récepteurs peut être modifié, entre autres par l'arrivée d'un photon venant d'une autre source. Ainsi, à cause du grand nombre de récepteurs, l'appel d'offres est sans cesse fluctuant (bien qu'en moyenne stationnaire) et on peut envisager qu'un train d'ondes n'est rien d'autre que l'état qui s'établit entre deux fluctuations ; les équations de la mécanique quantique représentant alors une forme d'écoulement thermodynamique entre une source chaude (émetteur) et une source froide (récepteur) [5].

• Qu'advient-il alors dans la situation expérimentale du paradoxe d'Einstein-Podolski-Rosen ? Considérons donc une source S émettant des paires de particules corrélées en direction de deux détecteurs R1 et R2 ; on peut se demander si la réduction du paquet d'ondes permet une communication supralumineuse entre les récepteurs R1 et R2.

La réponse est double. Oui en un certain sens au niveau microphysique, puisqu'en modifiant R1 on influence la détection au niveau de R2 ; non en tout cas au niveau macrophysique, puisque la modification du seul récepteur R1 parmi le très grand nombre pouvant interagir avec la source ne peut pas modifier de façon notable l'appel d'offres global reçu par la source, et ne peut donc pas modifier la détection statistique au niveau de R2.

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Références :

1. voir par exemple :
        “L'infiniment vide n'existe pas”, T. Boyer, Pour la Science n° 278, décembre 2000 ;
        “La force qui vient du vide”, A. Lambrecht, La Recherche n° 376, juin 2004.

2. voir par exemple :
       “Du GPS au DVD”, P. Yam, Pour la Science n° 326, décembre 2004 ;
       “Les fluctuations d'Einstein”, S. Reynaud, Pour la Science n° 326, décembre 2004.

3. voir par exemple :
“Le big bang en laboratoire”, C. Roy, La Recherche n° 395, mars 2006 ;
“Les premières microsecondes de l'Univers”, Pour la Science n° 344, juin 2006.

4. voir par exemple : “Photons indiscernables : qui se ressemble s'assemble”, I. Robert-Philip et coll., Images de la Physique 2006, p. 106.

5. par cet aspect, la mécanique quantique n'est peut-être pas indépendante des méthodes utilisées pour décrire les flux dans les chaînes de production ; voir par exemple : “L'algèbre des sandwichs”, G. Cohen, S. Gaubert et J.P. Quadrat, Pour la Science n° 328, février 2005.


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