Masse et interactions
• Un objet isolé ne peut pas avoir de masse inerte car
le principe de l'inertie suppose que l'objet est sensible à la
notion de mouvement ; or in n'y a aucune notion de mouvement s'il
n'y a
rien pour se repérer (conformément aux idées de
Mach), et s'il y a quelque chose, l'objet considéré
ne peut s'en servir de repère qu'en interagissant avec.
Pour une particule massive, la durée propre entre le
départ et l'arrivée est non nulle
. Ceci peut
suggérer que la particule massive “interagit”
pendant son trajet, même si on ne décèle pas ces
interactions, un peu à la façon d'un photon qui se
propage dans un guide d'ondes
(ou dans un matériau transparent), ou d'une particule
élémentaire laissant une trace dans une chambre à
bulles. Il s'agirait alors probablement d'un très grand nombre
d'interactions infinitésimales (avec ce qu'on appelle à
tort “le vide”), et la masse serait une
traduction de l'énergie
moyenne d'interaction.
On retrouve ainsi les idées utilisées par les
théories renormalisées : les particules “nues” ont une
masse nulle et la masse, associée à une brisure
spontanée de symétrie, se déduit (en relation avec
la renormalisation)
de l'habillage des particules par les interactions. Inversement,
pour
les particules virtuelles (non détectées) intervenant
dans les diagrammes de Feynman, il faut intégrer sur toutes les
possibilités de mouvement y compris en dehors de la “couche de
masse” [1].
Ceci introduit d'ailleurs des divergences car il existe une
équivalence entre la description énergie-impulsion et la
description espace-temps, dans laquelle les grandes énergies
correspondent aux petites distances. Dès lors des infinis
apparaissent lorsqu'on intègre sur les grandes énergies,
puisque les petites “distances” n'existent pas en tant que telles :
faute de savoir comment corriger cela (par quoi remplacer
l'intégration en question ?), la renormalisation actuellement
utilisée consiste à “bricoler” des combinaisons de
diagrammes telles que les divergences ainsi introduites se
compensent
[2].
• Toutefois, contrairement à ce qu'envisagent
généralement les théories renormalisées,
les interactions en question peuvent-elles se limiter à des
interactions virtuelles “isolées” ?
En effet, dans l'état d'esprit de la démarche
précédente, les diagrammes non connectés à
une portion significative de l'Univers (comme le premier des trois
représentés ci-dessus) peuvent sembler ne pas donner
d'effet
d'inertie : quand une particule se scinde en une paire de particules
virtuelles, si cette paire n'a d'interaction avec rien d'autre, elle
n'a aucun repérage pouvant donner lieu à un
phénomène d'inertie.
Il faudrait alors envisager une multitude de petites interactions
(“virtuelles” ?) avec le reste de l'Univers (comme dans les deux
derniers des trois diagrammes ci-dessus, où le propagateur
terminé
par
x désigne une interaction “extérieure” non
précisée).
Ainsi, en quelque sorte, il n'existerait pas de système
isolé
au sens strict (en ce sens que ce que les théories quantiques
usuelles
appellent le “vide” est toujours présent et actif). Il me semble
que le rayonnement d'un électron accéléré
montre le lien entre l'inertie et l'interaction
(électro-magnéto-faible-forte ; je pense qu'il n'y en a
qu'une) de la
même façon que le comportement de la force de Lorentz lors
d'un
changement de vitesse montre le lien entre électricité et
magnétisme.
La masse et l'inertie sont l'une des propriétés des
interactions (et ne sont que cela).
• Cela n'est pas indépendant de l'interprétation que
Feynman avait proposée pour tenter d'éliminer de certains
calculs les divergences causées par l'autointeraction des
électrons [3] : lorsqu'un électron interagit avec
lui-même, il “le sait” (par l'instantanéité
relativiste, dont Feynman n'est pas loin, même s'il ne la cite
pas comme telle, lorsqu'il considère une interaction “à
distance”), et cela ne peut pas participer à son inertie (seules
les interactions avec les autres électrons peuvent y
contribuer), donc non seulement cela ne peut pas constituer
l'origine
de sa masse (énergie d'autointeraction), mais cela ne peut
même pas y contribuer.
• On peut en outre se demander si les interactions
“élémentaires”
(non décelées), pouvant correspondre à l'habillage
d'un
propagateur, ne sont pas associées à une sorte de
“vibration”
(dans une dimension non visible à notre échelle) comme
celles
envisagées dans les théories des cordes [4].
Pour la recherche d'une telle interprétation, il faudrait
toutefois
revoir à la base la notion de “dimensions” cachées
puisque,
dans les raisonnements envisagés ici, la notion de dimension ne
préexiste
pas mais devrait se déduire des interactions.
• On peut enfin envisager qu'il y ait une relation entre de telles
interactions et la masse importante de “matière noire” qui
semble
manquer pour interpréter les mouvements des étoiles et
des
galaxies [5].
• L'interprétation doit toutefois être prudente, car on
peut aussi penser
qu'en modifiant le nombre d'interactions élémentaires,
donc en
modifiant la notion de temps, les diagrammes tel que le second
ci-dessous interviennent dans l'inertie décrite par le premier.
__________________
Références :
1. ceci peut éventuellement être décrit par
l'interaction avec le boson de Higgs ; voir par exemple (le
phénomène est cité dans de
nombreux articles) : “Qui attrapera le Higgs”, La Recherche n° 364,
mai 2003.
2. voir par exemple : “Les séries divergentes”, J.P. Ramis, Pour
la Science n° 350, décembre 2006.
3. voir par exemple (tout en notant que l'interaction “à
distance” n'est pas vraiment ce
que son nom semble indiquer si la notion de “distance” n'existe pas
à
l'échelle d'une interaction élémentaire) :
“vous voulez rire”, Pour la Science -
les génies de la science, n° 19 (“Feynman, génie
magicien”), mai 2004.
4. voir par exemple :
“Le monde
des
cordes est-il le nôtre ?”, P.
Ramond, Pour la Science n° 300, octobre 2002 ;
“Le paysage
de
la théorie des cordes”, R. Bousso et J. Polchinski, Pour la
Science n° 326, décembre 2004 ;
en notant toutefois l'existence de
difficultés liées aux théories de ce type
(variations non observées de certaines constantes physiques avec
le temps) :
“L'Univers avant le
Big Bang”, G. Veneziano, Pour la
Science n° 320, juin 2004 ;
“Les constantes... le sont”, C. Pichon, Pour la
Science n° 320, juin 2004.
5. voir par exemple (le phénomène est cité dans de
nombreux articles) : “La face cachée des galaxies”, G. Lagache
et
B. Guiderdoni, Pour la Science n° 296, juin 2002.
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