Dualité onde-corpuscule ; réduction du paquet
d'ondes par l'hamiltonien
• L'un des points délicats de la mécanique quantique est
la projection d'un vecteur d'état sur un vecteur propre
associé à un appareil de mesure. Les paradoxes de la
mécanique quantique y sont en général directement
liés.
À ce propos, il est intéressant de considérer le
“changement de sens” de l'écoulement du temps, ou plus
précisément (ceci n'est qu'indirectement lié
à la façon dont varie cette amplitude par transformation
C.P.T.) : l'invariance d'une amplitude de transition de la forme
du point de vue
des deux projections, directe
, ou inverse
.
On peut en effet calculer la probabilité d'une situation
passée en supposant connu le futur (en utilisant au besoin les
potentiels avancés au lieu des potentiels retardés) et le
comportement du spin permet de souligner une particularité
liée à ce “retournement” du temps.
Considérons ainsi deux polariseurs intercalés entre une
source et un détecteur, et orientés à 45° l'un
par rapport à l'autre. Un photon qui a passé le premier
polariseur et se dirige vers le second est polarisé suivant
l'orientation du premier ; sa polarisation change ensuite s'il traverse
le second.
Mais l'interaction peut être décrite en sens inverse par
un photon qui, dans l'intervalle entre les deux polariseurs, est
polarisé suivant l'orientation du second et non celle du
premier. On peut ainsi penser que le photon n'est peut être en
fait polarisé ni suivant l'une, ni suivant l'autre des
orientations, mais possède certaines propriétés de
spin (éventuellement en partie cachées) qui, par
l'intermédiaire de l'onde, le font interagir globalement et
symétriquement avec les deux polariseurs. Autrement dit,
certaines des propriétés que nous attribuons aux
particules sont peut être des propriétés globales
des interactions de ces particules avec les appareils de mesure.
Ceci correspond à une relative séparation
des notions d'onde et de corpuscule, et on peut alors supposer
qu'une partie des effets que nous observons soit liée aux
symétries des interactions qui sont portées par l'onde
(les particules pouvant être statistiquement guidées par
l'onde en fonction de variables cachées).
Du point de vue de l'instantanéité relativiste, rien
n'empêche alors que les appareils de mesure puissent modifier les
résultats des mesures par l'intermédiaire des effets de
non localité [1].
• Dans ces conditions, que doit-on penser de la non invariance
relativiste du principe de réduction du paquet d'ondes (d'autant
plus étrange que les prédictions qui en découlent
possèdent cette invariance) ? En fait, si l'hamiltonien contient
un terme d'interaction adéquat, le paquet d'ondes est
automatiquement (et obligatoirement) réduit au cours de
l'interaction, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir
autre chose que l'équation d'évolution du champ (et toute
modification de l'appareillage qui change l'hamiltonien provoque une
réduction différente du paquet d'ondes).
Ainsi peut s'expliquer le paradoxe du chat de Schrödinger [2] : on
y fait intervenir la fonction d'onde d'un objet macroscopique qu'il est
impossible d'empêcher de réinteragir. Il y a donc toujours
réduction du paquet d'ondes. Ceci étant, la structure de
l'équation de Schrödinger aboutit à une
réduction instantanée, mais une réduction
invariante relativiste peut être envisagée (bien que non
obligatoire) pour les équations qui possèdent cette
invariance.
Il est alors intéressant de considérer l'exemple d'une
source lumineuse à symétrie sphérique : la
détection d'un photon en un point y0 à
l'instant t0
implique instantanément sa non détection ailleurs. Le
paquet d'ondes devant être réduit dans tout l'espace
à l'instant t0, la réduction doit
s'opérer de
façon invariante relativiste sur le cône passé du
détecteur (et le cône futur de l'émetteur). Cela
peut sembler contradictoire, par une certaine
“rétroactivité” apparente, mais cela provient du fait que
le photon ne subit pas le même temps que l'observateur, et qu'il
“sait” déjà où il va au moment où il part
[3].
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Références :
1. Ces aspects ne sont pas interprétés de
même par tous les physiciens, ce qui amène en particulier
R. Penrose à chercher ailleurs (dans un effet gravitationnel,
peut-être lié à l'expansion de l'Univers)
l'interprétation de la flèche du temps :
“La nature de l'espace et du temps”, S. Hawking et
R. Penrose, Princeton University Press 1996 (Gallimard 1997 pour la
traduction), chapitre IV.
2. Voir par exemple :
“Le chat de
Schrödinger se prête à l'expérience”, S.
Haroche et coll., La Recherche n° 304, septembre 1997 ;
M. Brune et
coll., Phys. Rev. Lett. n° 77, p. 4887, 1996 ;
“Comprendre les
limites entre les mondes quantique et classique”, S. Reynaud, La
Recherche n° 375, mai 2004 ;
“La nature de l'espace et du temps”, S.
Hawking et R. Penrose,
Princeton University Press 1996 (Gallimard 1997 pour la traduction),
chapitres IV, VI et VII ;
“La frontière classique-quantique, M. Brune, Pour la Science
n° 350, décembre 2006.
3. La réduction du paquet d'ondes par les
inévitables interactions est généralement connue
sous l'appellation “décohérence”, elle semble maintenant
acceptée par une part importante de la communauté
scientifique ; curieusement, alors que le concept actuel de
décohérence n'a aucun rapport avec
l'instantanéité relaviste, c'est cette dernière
qui, en renforçant la perception que j'avais des interactions,
m'a conduit à en être convaincu (vers 1980, à un
moment où cette notion était encore tellement peu
répandue que je n'en avais pas entendu parler).
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